Direction Mars. Après les Émirats Arabes Unis lundi, la Chine a lancé jeudi avec succès une sonde spatiale depuis la base de Wenchang, sur l'île de Hainan. Embarquée à bord d'une fusée Longue Marche 5, la sonde spatiale Tianwen-1 (« Questions au ciel » en mandarin) est désormais en route vers la planète rouge. Un voyage qui durera sept mois.
Pourquoi un tel embouteillage ? D'abord, les conditions de lancement sont particulièrement idéales en ce mois de juillet. La planète rouge, la Terre et le Soleil se retrouveront dans le même alignement à la fin de l'année, permettant aux missions de suivre la trajectoire la plus avantageuse possible. Un événement qui ne se produit, en général, que tous les 26 mois.
L'été 2020 s'annonce particulièrement chargé pour les départs martiens : outre les lancements émirati et chinois, les Etats-Unis vont eux aussi propulser une sonde le 30 juillet, avec la mission Mars 2020. ExoMars, la mission conjointe entre l'Union européenne et la Russie, a, elle, été décalée à 2022 à la suite d'une trop grande accumulation de retards.
Si toutes les agences spatiales cherchent à profiter de cette fenêtre de tir parfaite, difficile pourtant de parler de « course vers Mars », selon Isabelle Sourbès-Verger, géographe spécialiste des politiques spatiales. « Ce n'est plus la course à la Lune des années 60. Chaque pays dispose de projets scientifiques et d'objectifs complètement différents ».
Quand la Chine rattrape les Etats-Unis
La mission chinoise s'annonce particulièrement ambitieuse. La sonde devrait se placer en orbite autour de Mars en février 2021, avant qu'un atterrisseur et un rover (un petit robot téléguidé) ne soient envoyés à la surface de la planète, deux à trois mois plus tard. Ce robot de 200 kg analysera des prélèvements et prendra des photos sur le sol martien pendant trois mois. Elles permettront de mieux connaître la géologie, la morphologie et la minéralogie de la planète rouge.
« Cette mission s'inscrit dans la continuité de leur programme d'exploration spatial », explique Michel Viso, responsable de l'exobiologie au Centre National des Études Spatiales (CNES). Si la Chine a en effet déjà réalisé une mission similaire sur la Lune en 2013 - et sur sa face cachée en 2019 -, il s'agit de la première tentative de Pékin de placer à la fois une sonde en orbite et de poser un atterrisseur sur Mars, puis de déployer un robot téléguidé.
En cas de réussite, la Chine aura fait, en une seule tentative, presque tout ce que les Etats-Unis ont réalisé en cinq missions depuis les années 1960. « La Chine n'est plus une puissance spatiale émergente », précise Olivier Sanguy, médiateur scientifique à la Cité de l'espace de Toulouse. « Ils peuvent se permettre de brûler les étapes ».
VIDÉO. Pourquoi tant de missions sont envoyées sur Mars
Les Émirats Arabes Unis, avec la mission « Hope » se lancent dans la conquête interplanétaire. La sonde Al-Amal, qui a décollé depuis le Japon le 20 juillet, va faire le tour de Mars pendant une année martienne - qui représente 687 jours terrestres - pour étudier son atmosphère et sa dynamique de climat. Objectif : fournir des indications météorologiques et comprendre comment Mars, longtemps jumelle de la Terre, a perdu presque toute son atmosphère et son eau, passant de planète potentiellement habitable à hostile aujourd'hui.
Quant aux Etats-Unis, ils cherchent à asseoir leur suprématie. Avec la mission « Perseverance » qui décollera de Cap Canaveral (Floride) fin juillet, le cinquième rover déployé par la Nasa aura pour but de collecter des échantillons du sol martien et d'en savoir davantage sur une éventuelle vie martienne. « S'il y a une chance de trouver une forme de vie dans le système solaire, c'est bien là », rappelle Michel Viso. Il travaillera également à établir une base pour de futurs astronautes : Washington projette en effet d 'envoyer un homme ou une femme sur la planète rouge en 2034.
Si les projets scientifiques des pays sont de nature différente, il semble néanmoins difficile d'occulter des enjeux politiques et diplomatiques sous-jacents.
Mars, nouvel enjeu diplomatique
La mission chinoise ? Un emblème prestigieux. Il s'agit de la première mission de Pékin réalisé de manière totalement indépendante. « Les Chinois montrent qu'ils ne font pas que des peluches à 1 euro », plaisante Olivier Seguin. « Après avoir montré qu'ils savent utiliser la science des autres, ils font désormais la science. »
L'aérospatial fait partie des domaines technologiques les plus exigeants. Avec cette mission, les Chinois démontrent qu'ils ont la technologie et les infrastructures nécessaires pour s'imposer seuls comme une grande puissance spatiale. « Quand vous avez un programme de cette ampleur, vous faites travailler vos chercheurs, ingénieurs et universités au maximum », explique Olivier Seguin. Un symbole fort à même de freiner la fuite des cerveaux vers les Etats-Unis.
Pour les Émiratis, l'enjeu, c'est d'envoyer un message. « En ayant un programme d'exploration spatiale, vous montrez que vous êtes désormais un acteur à de la société de connaissance », juge Isabelle Sourbès-Verger. Le pays, qui souhaite sortir de sa dépendance au pétrole, veut ainsi s'imposer comme une véritable puissance, en investissant massivement dans les technologies de pointe, les sciences et l'aérospatial.
La sonde devrait commencer à orbiter autour de Mars d'ici février 2021, à l'occasion du 50e anniversaire de l'unification des sept principautés qui forment les Émirats Arabes Unis. Tout sauf un hasard. « L'espace est porteur de valeurs positives que veulent véhiculer ces pays du Golfe, qui ont une image de conservateurs pour les Occidentaux », abonde Olivier Seguin.
Pour les Etats-Unis, les enjeux diplomatiques sont moindres. Leader de la conquête spatiale, ils ont la possibilité de distancer la Chine, leur principal concurrent. Avec un budget d'1,2 milliard de dollars, la mission américaine est la plus importante de la Nasa depuis des décennies. Le contexte géopolitique n'y est pas étranger : loi sur la sécurité nationale à Hongkong, cas des Ouïgours, sanctions commerciales… La guerre commerciale et technologique entre les deux pays fait rage.
Un conflit à distance qui va perdurer ces prochaines années : Pékin a d'ores et déjà prévu d'assembler une grande station spatiale à l'orée de 2022, première étape avant d'envoyer des hommes sur la Lune… puis sur Mars.
July 26, 2020 at 05:05PM
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Ruée vers Mars : mais pourquoi tant de pays mettent-ils le cap sur la planète rouge ? - Le Parisien
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