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Bienvenue en terre imaginaire (12/20). L’Empire jaune de Basam-Damdu à l’assaut de la planète - L'Humanité

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Imaginez un monde où le Tibet a pris le relais de l’Allemagne nazie pour conquérir les cinq continents. On est peu après la Seconde Guerre mondiale, en 1946 et, dans les colonnes – ou plutôt les vignettes – du Journal de Tintin, le chroniqueur de Radio Lhassa exulte : « Bombay n’est plus que ruines et désolation !… Rome, la Ville éternelle n’est plus qu’un souvenir… Paris, la Ville lumière, gît sur le sol, broyée !… Londres, l’orgueilleuse métropole achève de se consumer !… La flotte américaine du Pacifique est au fond de l’océan tandis que nos parachutistes hissent nos couleurs sur les gratte-ciel du Nouveau Monde ! La terre est entre nos mains ! Nous sommes les maîtres du monde ! » Des missiles, fabriqués dans les usines souterraines de l’Himalaya, s’abattent partout sur la planète. Et des troupes aéroportées, pleines de soldats asiatiques, s’emparent du monde entier, qui passe sous le joug de l’Empire jaune. Ce monde dirigé par un sinistre Basam-Damdu est tout droit sorti de l’imagination d’Edgar P. Jacobs, amené à devenir l’une des principales figures de la bande dessinée belge, grâce au succès du Secret de l’Espadon.

Derrière l'idée saugrenue, la métaphore d’une époque

Ce Tibet fantasmé, cœur d’un « Empire Jaune » qui assujettit la population mondiale, peut apparaître comme une idée saugrenue. Et pourtant, elle agit comme la métaphore d’une époque. Au début du XX siècle, grâce aux mauvais coups des impérialismes japonais et britannique, le Tibet a conquis une forme d’autonomie face à une Chine en proie à une guerre civile. Ce n’est qu’en 1951 que les troupes de Mao réintégreront la zone himalayenne dans la République populaire. Le Tibet est certes dirigé par le 13 e Dalaï-lama. Mais un homme est à ses côtés comme commandant militaire : Tsarong Dzasa, dit Dasang Damdu. Celui-ci, qui se voulait modernisateur du Tibet, qui ambitionnait un rôle central pour l’armée dans ce nouvel État a inspiré Basam-Damdu, le dictateur du Secret de l’Espadon, estiment – ils ne sont pas les seuls – Laurent Védrine et son père, l’ancien ministre des Affaires étrangères français Hubert Védrine, dans leur « biographie non autorisée » d’Olrik, le méchant qui traverse les albums d’Edgar P. Jacobs. Dans le monde réel, bien que présenté comme meilleur ami du gouvernement britannique dans ce pays, Tsarong Dzasa accueillit une délégation d’alpinistes nazis et entretint des liens avec le Japon, afin de contrer l’influence chinoise.

Car derrière le Tibet, c’est l’expansion japonaise des années de la Seconde Guerre mondiale à laquelle il est fait référence. Allié des nazis allemands et des fascistes italiens, l’Empire de l’ère Showa (1926-1945) chercha, comme Hitler avec son Lebensraum, à fonder une « sphère de coprospérité » en Asie orientale, avant de succomber sous les coups de l’armée étatsunienne. D’ailleurs, les costumes des généraux ressemblent, sous la ligne claire d’Edgar P. Jacobs, à ceux de l’armée impériale nippone, tout comme le drapeau, une étoile rouge sur fond blanc.

L’armée britannique en résistance

Heureusement, l’Empire jaune rencontre une résistance. Celle de l’Empire britannique, de son armée… et de ses troupes coloniales qui, comme pendant le deuxième conflit mondial, sont chargées de restaurer la liberté. La puissance du Royaume-Uni et de ses colonies est mise à l’honneur dans l’album, avec un paternalisme et une conception du monde aujourd’hui dépassée qui fleure bon le temps béni des colonies. Deux hommes y apparaissent : le capitaine Francis Blake et le chercheur Philip Mortimer, qui vivront encore pendant neuf albums sous le trait d’Edgar P. Jacobs et que de nouveaux auteurs font encore vivre aujourd’hui.

Tout au long des trois tomes du  Secret de l’Espadon, ils seront les héros. Le colonel joue le rôle du militaire au service de Sa Majesté. La résistance aura pour lieu une base militaire secrète et souterraine sous le détroit d’Ormuz. Une base dont le chef, sir William Gray, a des faux airs de Churchill. Le professeur Mortimer travaille, lui, à développer un nouveau modèle d’avion, l’Espadon, à la fois supersonique, submersible et pilotable à distance – aujourd’hui on dirait un drone. Dans ce monde, la technologie joue un rôle important. L’Espadon est l’arme ultime que Mortimer et l’armée britannique tenteront de développer pour mettre à bas l’Empire jaune, tandis qu’Olrik, chef des services secrets de l’ennemi, cherche à s’emparer des plans du prototype.

S’il est au centre de l’album, l’Empire jaune n’apparaît que très peu, au travers de vues du palais qui trône au centre de Lhassa, ce qui renforce le mystère, ou encore d’un parc de fusées – des « engins d’une puissance terrifiante » – prêtes à détruire le monde quand l’empereur Basam-Damdu est proche de la défaite. Une allusion aux peurs de l’après-guerre, quelques années après le largage des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Une peur encore réelle aujourd’hui.

Mercredi, dans l’Humanité, et dès demain sur l’Humanité.fr : L’Atlantide, l'île des dieux qui était (trop) humaine.




August 17, 2020 at 05:00AM
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